lundi 21 janvier 2008

La frustration des vins bus trop jeunes

Non, je ne suis pas une nécrophile du vin... Je l'admets volontiers, que j'ai pris plaisir (un très grand plaisir même) à assister aux dîners de l'Académie des vins anciens et d'y goûter des bouteilles qui remontaient aux années 20 du siècle dernier.

J'aime le vin avec un peu d'âge, avec assez d'âge pour qu'il s'assouplisse, pour qu'il prenne les arômes si entêtants qui sont absents des vins jeunes (alors que ceux-là ont parfois d'autres atouts et satisfont d'autres goûts).

Mais rien n'est plus criminel, à mon sens, en matière de dégustation – ou bien, plutôt, de beuverie éclairée – que de déboucher un vin trop jeune qui mériterait plus de temps et plus de patience.

Tel fut le cas la semaine dernière, au début d'un repas avec un ami enthousiaste venu du sud des Etats-Unis. Nous avons ouvert une bouteille de Salon 1996. L'effet était déroutant. Un vin bien bâti, élégant et vif, mais ce n'était pas un monument comme on imagine les Salon... sauf... en milieu de bouche... ce moment-choc où le vin te dit tout bas à l'oreille... qu'est-ce qu'il te dit ? Il te murmure quelque chose d'à peine compréhensible mais qui est la suggestion d'un si grand plaisir qu'on reste une demi-seconde interloqué.

C'est comme si un garçon de trois ans te regardait droit dans les yeux et te disait :

«La chair est triste, hélas! et j'ai lu tous les livres.
Fuir! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
D'être parmi l'écume inconnue et les cieux! »

Le bébé Salon grandira... grandiosement.

Mais pour l'instant, nous l'avons bu dans son berceau.

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